dimanche 22 mars 2015

Yekta Registre des ombres / Registro de las sombras




     le remords a son sourire de sable sa voix sifflante de vieillard qui nous somme d’oublier les zébrures de l’ombre sur les pelages de la peur de balayer les derniers lambeaux des rêves que nous aurions pu jouer d’ignorer l’imparfait des fantasmes qui nous enferment
    de sa griffe sur nos paupières la caresse n’est qu’une passe pour empêcher la tempête de faire rage entre les pages du silence interrompre le pur écoulement du temps dans nos veines nous distraire des leçons que la nuit nous assène sur le métronome des malheurs
    chacune de nos phrases doit commencer par le point qui nous coupe du tapage des mondes et s’achever avec la majuscule du secret que nous n’avons pas su dire
    elle est ce qui reste d’une danse d’insectes autour de la flamme ou des cognements d’un crâne aux portes de la nuit ce qui reste des présences familières apparues d’hier perdues au matin puis retrouvées au soir pour être répudiées demain
 

    el remordimiento tiene su sonrisa de arena su voz silbante de viejo que nos obliga a olvidar las rayaduras de sombra sobre los pelajes  del miedo de barrer los últimos girones de los sueños que hubiéramos podido actuar de ignorar lo imperfecto de los fantasmas que nos encierran
    con su garfio sobre nuestros párpados la caricia no es más que un pase para impedir la tempestad de rabiar entre las páginas del silencio interrumpir el puro derrame del tiempo en nuestras venas distraernos de las lecciones que la noche nos asesta con el metrónomo de las desgracias
    cada una de nuestras frases debe comenzar por el punto que nos corta de la algarabía  de los mundos y acabarse con la mayúscula del secreto que no supimos decir
    es lo que queda de una danza de insectos alrededor de la llama o de los golpes de un cráneo en las puertas de la noche lo que queda de las presencias familiares aparecidas de ayer perdidas en la mañana reencontradas luego en la tarde para ser repudiadas al día siguiente

 [version espagnole Myriam Montoya]




mercredi 18 mars 2015

Mario Campaña, Equateur




qui voudra lever la main
ou élever la voix
qu’auparavant il lève les yeux vers le ciel
et se soumette aux nuages,
à la frange argentée
qui ennoblit l’horizon
dans sa partie la plus basse ;

qui voudra tant nous parler
qu’il dépose tout et abandonne
d’un bout à l’autre son empire,
sa maison sa cruche sa parure;

que parle seulement celui qui n’a rien
ou qui ne voudra pas,
celui qui ne pourra pas revenir ;

que parle seulement celui qui est nu,
et que ce soit lui qui remette une offrande
dans les mains de ceux qui commencent à vivre.


Quand tu reviendras
après avoir erré jour et nuit
sous des astres silencieux
et t’être étendu sur des lits inconnus
imaginant
le sinistre paysage de l’éternité,
et quand tu regretteras encore une fugitive révélation
une fleur étrange,

vénale et faible tu trouveras ta trace,
éteinte par la force des choses.

Aïe ! de ton corps et de ton esprit
maintenant fait d’une matière inconnue
mystérieusement plus grande que toi


Extrait du livre:
Dans le prochain monde / En el próximo mundo
de Mario Campaña (Equateur) / Traduction Max Alhau
[ISBN 978-2-917290-35-4 / 136 pages, 10 euros / 2013]

Mario Campaña sera en résidence à la villa Marguerite Yourcenar en mars et avril 2015

mardi 6 janvier 2015

María Mercedes Carranza, Colombie




 
    Doux mensonge
 
    Avant de découvrir que le beau chemin
    n’est qu’une farce inutile,
    un puits d’eaux mystérieuses
    d’où nous avons tiré ce qui n’existe pas ;
    avant que l’approche de l’ennui
    ou la ruine du sourire n’apparaissent ;
    avant que la frivolité
    ne vienne se recoucher dans mon lit ;
    avant que le désir ne se corrompe
    ou les mots ou les rires,
    laisse-moi te demander que le mensonge,
    le doux mensonge d’être toi et moi dure
    le vaste temps de cet instant.


    Extrait de Un autre chemin / Otro camino,
    L'Oreille du Loup, 2013.



vendredi 21 novembre 2014

Omar Youssef Soleimane, Syrie.





Je n’ouvrirai pas mon cœur
Nous sommes aussitôt revenus du froid des cimetières
Et nous avons offerts les fleurs et les victimes
Dans la pièce aucune tristesse
Dehors aucun bruit de guerre
Néanmoins l’enfer est un taureau
Et nos pensées sont rouges


Extrait du livre La mort ne séduit pas les ivrognes, L'Oreille du Loup, 2014.